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NOTES 955

��EVIDENCES, par Lucien Daudet (à la Sirène).

C'est un petit livret précieux et complexe, perspicace et triste, ce chapelet de sensAtions aiguës qu'on se garderait bien de rédiger, qu'on jette en vrac sous quelques titres faits d'un seul mot sans article ; des notations vibrantes, réduites à l'essentiel, et dont l'ensemble, arbitrairement arrêté, nous fait assez bien pénétrer dans une conscience. Pour mettre en contact une sensibilité et un public, ce genre de livret tend à remplacer aujourd'hui le livre de poèmes qu'on sent si lourdement démodé : en ouvrant un recueil de vers nou- veaux, à la seule vue des lignes inégales, l'œil est déjà fatigué, s'attend à de vieux rythmes et à de vieilles choses. Il ne s'agit pas ici de la lassitude d'un lecteur neurasthénique ni de la chair triste de celui qui a lu tous les livres, il s'agit simplement des jeunes gens, de ce qui leur paraît à eux-mêmes propre ou inapte à les exprimer. Ces livrets, qui seront démo- dés, à leur tour bientôt, paraissent bien la forme actuelle- ment la plus juste et la plus directe pour accomplir la fonc- tion poétique, pour exposer aux yeux du public sa marchan- dise intérieure.

Celui de M. Lucien Daudet ne fera évidemment pas oublier les Illufitinations, qui demeurent, comme les Trophées de Heredia, le classique et l'achèvement d'un art. Mais il contribuera, avec d'autres livres à établir autour de ce chef- d'œuvre la multiplicité d'un genre, à prouver par là le bon droit et la légitimité delà tentative de Rimbaud. Bien entendu je ne vois pas ici d'imitation, et je ne méconnais pas la figure personnelle. Mais ce n'est pas ma faute si je m'in- téresse par mécanisme, par profession, à ce qui d'une sensi- bilité et d'un style tend à cristalliser en genre. Genre dont le livret de M. Daudet tend singulièrement à éclairer les affinités

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