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954 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sées — sont de même pâte que les idées, de sorte qu'il suffit de retourner l'ordre des mots pour avoir leur sens retourné. Une nouvelle maxime porte un témoignage opposé au premier, mais qui ne peut manquer d'être aussi pressant, aussi prégnant — n'étant pas autre, mais le même.

Il s'agit dans les Poésies d'une démonstration par l'absurde. Si le langage, suppose à peu près Ducasse, était ce que vous pensez, il faudrait dire...

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��Toute doctrine littéraire se fonde sur une théorie du lan- gage. Il faut savoir si l'instrument est sûr — l'aifûter peut- être, le redresser, le garder de la rouille ? Les romantiques en général lui font confiance, ils en sont plus tranquilles pour chercher des herbes inattendues. Hugo appelle le mot : verbe. Ce n'est plus cette matière difficile à réduire, il semble que le langage par nature porte sens, il est de la race de la pensée. Premier effet d'une doctrine paresseuse, qui ne croit guère aux objets. Si le romantisme tient de Jean-Jacques une image des passions, bien plus sûrement il reçoit de Condillac la confusion des mots avec les idées.

C'est au milieu de cette confusion que Ducasse pose sa machine infernale. « Il n'y a rien, dit-il, d'incompréhen- sible ». Il s'en suit à peu près que l'on n'a plus à penser, les phrases y suffisent. Un coup de pouce de temps en temps les fait varier.

L'on pouvait attendre de Lautréamont qu'il apportât quelque bon sens à démêler la querelle, que l'on a dite. Seu- lement il semble aussi qu'il n'imaginait aucune littérature, sauf Maldoror et ce romantisme, qu'il faisait éclater. — N'im- porte quelle oeuvre possible lui semblait contredite par un langage de paradis,

JEAN PAULHAN

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