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948 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ment. Son lyrisme est oratoire et vise à convaincre, comme celui du vieux Corneille.

Féret semble désespérer de l'avenir, il semble redouter de voir l'industrie minière et textile « encrasser nos ciels pastellisés » et en chasser les derniers rossignols. Je ne partage pas ses craintes, au contraire.

Les armateurs, les corsaires de jadis étaient devenus peu à peu des tenanciers d'hôtels, des loueurs en meublé et des videurs de pots de chambre : ils s'engraissaient sur les baigneurs et les Anglais. La prospérité industrielle, la renaissance maritime qui en est le corollaire va changer tout cela. Rouen redevient une métropole commerciale. Absurde est la publicité qui proclame sur les affiches de voyages : « Visitez Rouen la ville-musée ». Non cejtes, ni un musée ni une ville-morte, mais le premier port de France par le tonnage, et demain peut-être, si les franchises de jadis revivaient, le plus grand port fluvial du monde. Et quel incomparable visage : vingt églises gothiques s'élancent au-dessus d'une forêt de mâts, une ville entière où se rencontrent tous les types de maisons depuis le XIIIe siècle, qui semble portée sur des milliers de carènes entre lesquelles la Seine a peine à se frayer un chemin. Et cela dans un cirque de collines aussi nobles que celles de Rome. Quel spectacle plus digne d'émouvoir et d'inspirer les poètes ! Cette prospérité nouvelle ne peut manquer d'en susciter. Le bonheur appelle les chansons. Féret, ayons confiance ! Après l'ère d'enrichissement reviendra l'âge d'or des muses normandes.

ROGER ALLARD

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FOND DE CANTINE, par Drieu La Rochelle (Éditions de la Nouvelle Revue Française).

Drieu La Rochelle est sans doute le produit le plus typique de la génération qui eut vingt ans en 1914, ou du moins