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SOUVENIRS SUR TOLSTOÏ 869

eaux calmes des rivières de la terre. Autour de lui, ici ou là les petits poissons s'arrêtent et partent en flèche dans toutes les directions : ce qu'il dit ne les intéresse pas, ne leur est pas nécessaire, et son silence ne les effraie ni ne les émeut. Et pourtant son silence est impressionnant, comme celui d'un vrai ermite, banni de ce monde. Bien qu'il parle beau- coup et comme par devoir sur certains sujets, son silence parait bien plus grand encore que ses paroles. 11 y a des choses qu'on ne peut dire à personne. Assurément, il a des pensées dont il a peur.

XIV

Quelqu'un lui a envoyé une excellente version de l'his- toire du filleul du Christ. Il l'a lue tout haut et avec plaisir à Tchékhov et à Suler — il lit merveilleusement bien. Il s'amusa tout particulièrement des diables tourmentant les propriétaires. Il y avait dans son attitude quelque chose que je n'aimais pas. Il ne peut pas être insincère, mais s'il riait sincèrement, cela n'en était que pire.

Il dit encore :

« Comme les paysans s'y entendent à composer les his- toires. Tout est simple, sobre de paroles et plein de senti- ment. La vraie sagesse consiste à employer peu de mots ; par exemple : « Que Dieu ait pitié de nous, a

Et cependant l'histoire est une histoire cruelle.

XV

L'intérêt qu'il me porte est d'ordre ethnographique. A ses yeux j'appartiens à une espèce qui ne lui est pas familière — rien de plus.

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