Page:NRF 15.djvu/873

Cette page n’a pas encore été corrigée

SOUVENIRS SUR TOLSTOÏ 867

��« Frédéric de Prusse disait avec beaucoup de justesse : « Chacun doit trouver soi-même la voie de son salut. » II a dit aussi : « Discutez autant que vous voudrez, mais obéis- sez. » Mais en mourant il fit cet aveu : «Je suis las de mener des esclaves ». Ceux qu'on appelle de grands hommes sont toujours terriblement contradictoires : cela leur sera par- donné avec toutes leurs autres folies. Bien qu'inconséquence ne soit pas folie : un fou est opiniâtre, et ne sait pas se con- tredire. Oui, Frédéric était un homme étrange : chez les Allemands il a acquis la réputation d'être le meilleur roi, et cependant il ne pouvait pas les supporter, il détestait même Gœthe et Wieland. »

XI

« Le romantisme vient de la peur de regarder la vérité en face », a-t-il dit hier à propos des poèmes de Balmont. Suler ne partageait pas son opinion, et bégayant d'excitation, lut avec beaucoup de sentiment encore quelques poèmes. ^ Ce ne sont pas là des poèmes, cher ami. C'est du charlatanisme, du fatras, une séquelle de mots dépourvue de tout sens. La vraie poésie est ingénue ; lorsque Fet a écrit :

Je ne sais pas moi-même ce que je vais chanter Je sais seulement qu'un chant mûrit en moi,

il a exprimé de la façon la plus naturelle et la plus réelle, ce que le peuple sent d'instinct comme étant la poésie. Le paysan non plus ne sait pas s'il est poète, il s'essaye, il tâtonne — oh, oi, ah et aye — et voilà que sort droit de l'âme comme d'un oiseau, une vraie chanson. Ces nouveaux poètes que vous prônez, inventent. Il y a certains petits

�� �