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lui-même, on sent la détresse de l’homme qui a perdu son moi.

La grande victime de la guerre ici, c’est l’individu. Je m’imagine parfois que, revenus de la guerre, beaucoup d’entre eux essayèrent d’abord de vivre de la vie personnelle de jadis. Ils allaient enfin retrouver leur moi, et les sentiments nuancés qu’ils avaient connus autrefois.

Mais rentrés chez eux, ils se sentirent étrangement dépaysés. Ayant perdu l’habitude du silence, du colloque intime et d’une vie fondée sur la durée individuelle, ils ne savaient plus écouter leur âme qui semblait être devenue muette.

Faut-il voir en cet homme qui a perdu son moi, le prototype de la génération présente ? Ou n est-ce là qu’une apostasie passagère, et l’âme reviendra-t-elle un jour de son exil pour se retrouver plus riche et plus humaine qu’avant ? Tout le problème sur lequel repose l’avenir de la vie de l’esprit en Allemagne est là. Nous n’avons voulu aujourd’hui que signaler la crise par laquelle passe l’Allemagne intellectuelle, et nous nous réservons d’en noter, au fur et à mesure de leur développement, les diverses phases.

BERNARD GRŒTHUYSEN


LES REVUES


LE GÉNIE MÊME NE SUFFIT PAS

Jules Romains remarque, dans la Renaissance (14 août), que le mépris systématique où le XIXe siècle a tenu les doctrines est en grande partie responsable du désordre actuel. Il a certes raison. L’on voudrait seulement qu’il eût raison avec plus de peine. La question vaut d’être traitée, et par Jules Romains. Elle est du moins abordée ici, et délimitée avec bon sens :