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la nouvelle revue française

poëte affermit son habileté, dégage son émoi, se fait « savant et pur » selon la noble constatation de Moréas. Tantôt discret, recueilli,

C’est à voix basse qu’on enchante
Sous la cendre d’hiver
Ce cœur, pareil au feu couvert,
Qui se consume et chante.

Plaisamment évocateur,

Dans son palais d’aventurine
Où se mourait le jour,
Avez-vous vu Boudroulboudour,
Princesse de la Chine,
Plus rose en son noir pantalon
Que nacre sous l’écaille ?

Railleur, épris de burlesque, caricaturant des huissiers, ou peignant un Satan femelle qui montre ses seins avec orgueil,

Oui, siffla-t-elle, et le silence
Ondulait à sa voix :
Ils ne tombent pas tous, tu vois,
Les fruits de la science.

Il n’est rien que Toulet poëte ne s’essaie à traduire. Et, ici l’expression n’asservit jamais l’interprète. Elle lui donne au contraire la sûreté dont il a besoin, lui permet de s’abandonner sans contrainte à ses souvenirs et à ses images.

Toulet est mort à Guéthary. Il avait quitté quelques mois avant la guerre Paris et ce bar de la Paix dont il faudrait écrire les soirées qu’il enchanta de son désenchantement. « Quand on a connu que la vie n’est que fumée, a-t-il dit, celle de son propre toit garde encore quelque douceur. » Le passant de l’Île Maurice, de l’Algérie, du Tonkin et de l’Île de France regagna son pays et le quitta pour la côte basque au climat plus favorable. On ne doit pas joncher cette tombe de fleurs banales, un