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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 76^

comme l'esprit, et qu'un numéro de hi T/V Parisienne tourne à l'illisible et à l'aigre en moins de dix ans. Mais c'est dans tous les romans des Concourt que nous trouvons quelque chose de cet archaïsme, de cette vieillerie et de cette pous- sière. Impression qui détournera de plus en plus le lecteur ordinaire, mais qui pourra retenir le lecteur curieux. Il suffit de souffler sur cette poussière, de netto3'er un peu pour voir apparaître des pièces délicates ou robustes. Manette Salo- nion, Gcnuiiiic Lacerteiix, Rciicc Maiiperin sont des œuvres savantes et soignées, où, sous le décousu apparent, les auteurs savent réaliser jusqu'au bout leurs intentions, où les caractères se tiennent, où circule un sentiment vivant.

Q.uant aux livres d'histoire, qui forment une si grosse partie de leur œuvre, ils ont pu amuser beaucoup MM. de Concourt, leur fournir une excellente occasion de faire vivre leurs découvertes d'estampes, de miniatures, d'étoffes, apporter même une contribution à la psychologie du bric-à- brac. Historiquement, littérairement ils n'existent guère. Ils intéressent non pas même l'amateur qui s'occupe du xviii': siècle, mais l'amateur qui s'occupe de la façon dont on s'est occupé du xviii« siècle. II fiVdt faire une exception pour cette série d'études sur les grands peintres qui s'appelle VArt au XVIII^ siècle. C'est un des cinq ou six bons livres de cri- tique d'art qui existent en France, et il me semble bien que c'est en fait de style le chef-d'œuvre des Concourt.

Et il faut bien arriver à cette question rebattue et célèbre du style des Concourt. S'il n'y a que les œ^uvres bien écrites qui passent à la postérité, quelle assurance celles des Con- court ont-elles de faire le grand voyage ? Les Concourt écrivent-ils bien, ou, simplement, écrivent-ils? Certes ils- se sont donné beaucoup de peine. Ils ont fait difficilement du style difficile. Le résultat vaut-il l'effort ?

C'est le point sur lequel la critique universitaire a le plus âprement crié au scandale. Elle a eu en horreur un style qui

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