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REFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 767

gloire bien installée et les gros tirages des Flaubert, des Zola, des Daudet et des Maupassant, ils ne sauraient tout de même passer pour des méconnus ou des sacrifiés tels que le furent Gérard de Nerval ou \'illiers de l'Isle-Adam. Edmond de Concourt a occupé pendant les trente dernières années, les années solitaires de sa vie, une place ni très supérieure ni très inférieure à son mérite. Des sources de mésintelli- gence qu'il indiquait ou qu'on indiquait autour de lui, il en est pourtant deux que je crois sérieuses et qu'il faut prendre en considération. Il est exact que la misogynie des deux frères les disposait peu à comprendre les femmes, et que leurs romans n'ont presque pas eu de public féminin. A vrai dire la psychologie des personnages féminins est une des parties les plus remarquables de leur œuvre ; mais la psy- chologie de la femme ne porte presque jamais chez eux sur l'amour, au sens plein et courant du mot, c'est-à-dire sur ce qui eût séduit des lectrices. Ils ne pouvaient donc conquérir ce large public féminin qui fait à un romancier une des plus sûres assises de sa renommée. En second lieu il est certain

— et le Journal s'en plaint — que les Concourt ont eu cons- tamment et ont encore contre eux les professeurs et la cri- tique universitaire, c'est-à-dire presque toute la critique pTrofcssionnelle. Dans la longue campagne de la Revue des Deux-Mondes — Montégut, Taillandier, Brunetière, Doumic

— contre le roman réaliste et naturaliste, les auteurs de Germinie Laccrieux ont toujours attiré sur eux les ironies et les coups les plus coléreux. La thèse de M. Sabatier marque peut-être la fin de ces luttes, et dans trois ans le centenaire de l'aîné des Concourt éclaircira sans doute l'atmosphère où l'on pourra aborder d'une âme rassise le problème de leur place et de leur influence. Mais dès maintenant nous pou- vons peut-être discerner sur la critique les côtés de l'horizon d'où se lèveront les nuages et où s'établira le calme.

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