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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE


chloral (j’avais la libre disposition du flacon plein de petits cristaux d’hydrate et dosais à ma fantaisie) de chloral, dis-je, attendait au chevet de mon lit le bon plaisir de l’insomnie, et que je sirotais à petits coups dès la première impatience ; que durant des semaines, des mois, je trouvais en me mettant à table, à côté de mon assiette, ma bouteille de “ sirop Laroze — d’écorces d’oranges amères, au bromure de potassium ” ; dont il me fallait prendre à chacun des repas, une, puis deux, puis trois cuillerées — et de cuillère non pas à café, mais à soupe — puis recommencer, rythmant ainsi par triades le traitement, qui durait, durait et qu’il n’y avait aucune raison d’interrompre avant l’abrutissement complet du patient naïf que j’étais. D’autant qu’il avait fort bon goût, ce sirop ! Je ne comprends encore pas comment j’en ai pu réchapper quelque chose.

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andré gide