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SI LE GRAIN NE MEURT... 753

place à un immense rire général. D'un bout à l'autre des gradins, du haut en bas de la salle, on se tordait ; chaque élève riait comme il n'est pas souvent donné de rire en classe ; on ne se moquait même plus ; l'hilarité était irrésistible au point que Monsieur Nadaud lui- même y cédait ; du moins souriait-il, et les rires alors, s'autorisant de ce sourire, ne se retenaient plus. Le sou- rire du professeur était ma condamnation assurée ; je ne sais pas où je pus trouver la constance de poursuivre jusqu'au bout du morceau, que. Dieu merci, je possé- dais bien. Alors, à mon étonnement et à l'ahurissement de la classe, on entendit la voix très calme, auguste même, de Monsieur Nadaud, qui souriait encore après que les rires enfin s'étaient tus :

— Gide, dix. (C'était la note la plus haute.) Cela vous fiiit rire. Messieurs ; eh bien ! permettez-moi de vous le dire : c'est comme cela que vous devriez tous réciter.

J'étais perdu. Ce compliment, en m'opposant à mes camarades, eut pour résultat le plus clair de me les mettre tous à dos. On ne pardonne pas, entre condis- ciples, les faveurs subites, et Monsieur Nadaud, s'il avait voulu m'accabler, ne s'y serait pas pris autrement. Ne suffisait-il pas déjà qu'ils me trouvassent poseur, et ma récitation ridicule ? Ce qui achevait de me compro- mettre, c'est qu'on savait que je prenais avec Monsieur Nadaud des leçons particulières. Et voici pourquoi j'en prenais :

Une des réformes de l'Ecole Alsacienne portait sur l'enseignement du latin, qu'elle ne commençait plus qu'en sixième. De la sixième au baccalauréat ses élèves

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