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l'enseignement de CÉZANNE 66 1

à leurs seules racines. Dès lors, il n'y a plus aucune bassesse à les étudier, puisqu'on eii saisit aussitôt les prolongements. La sempiternelle formule : « Imiter la nature » prend ici un sens supérieur à celui qu'entend le morne paysagiste. Celui-ci imite les produits de la nature, alors qu'il en faut imiter les lois. Quiconque possède, par culture ou par intuition, l'idée que « le monde physique est purement symbolique du monde spiri- tuel » ', le sens de la gravitation universelle, de l'équilibre, et de la ressemblance du petit et du grand, a le droit de regarder autour de lui : // ne copiera qu'en inventant. Cézanne, comme Rimbaud, son frère en esprit, nous enjoint de « regarder la nature », mais, don- nant un sens pur à cette rengaine du public, ajoute : (c car l'on ne voit que soi ». Tous les accidents que son œil contourne et délimite lui disent la même chose qu'au poète : ils sont le reflet de son rêve intérieur. Ils sont de ce rêve la justification, les supports et le nou- veau visage.

Ainsi, pour prendre exemple sur la matière même de l'œuvre cézannienne, le grand peintre, pour parachever la destitution de l'idéal italien, remplace la perspective académique par une perspective en quelque sorte affec- tive. Négligeant la mesure métrique des choses, il donne à celles-ci leur dimension spirituelle. Il construit sur le plan plastique ce que Rimbaud construisit sur le plan poétique : une hiérarchie nouvelle, un système de pré- férences qui a l'émotion pour base et la métaphore pour véhicule. Il donne à chaque objet la place et la grandeur

��I. Swedenborg.

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