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NOTES 627

une étude remarquable sur l'orientation de la mentalité fran- çaise depuis 1890, orientation dont, d'après Curtius, il ne fut pris conscience historiquement que vers 19 10.

L'auteur apporte à l'obsen-ation de ce mouvement ascen- sionnel de la sève française une indéniable sympathie dont son intelligence critique bénéficie, et se trouve élargie. L'in- troduction, claire et bien composée contient une courte re\'Tic historique, un exposé des motifs ou plutôt une énumération des symptômes précurseurs du mouvement, ■ — car en bon disciple de Bergson, Curtius se refuse à trouver l'entière explication d'un phénomène psychologique dans les états de conscience qui le précèdent — ■ des citations presque toujours bien choisies et témoignant d'une documentation abondante, sinon complète :

Le mouvement semble se répartir sur deux générations. La plus ancienne est celle des pionniers et des avant-coureurs (^« Bahn- hrether tuul JVeghereiter d), ils sont nés autour de 70.

Curtius en veut voir cinq principaux : Gide, Péguy, Rol- land, Suarès et Claudel. Ils sont solitaires : leur effort ne trouve pas d'écho dans leur propre génération mais leurs livres seront les livres vitaux (« Lehciisbiicbcr ») de ceux qui, nés vers 1885, prendront la parole à partir de 19 10.

S'il laisse de côté de grands écrivains comme Maurras ou Barrés, de bons auteurs comme France et Henri de Régnier, c'est qu'il n'entend pas parler de tous les courants dont le faisceau fonnela conscience française de l'époque, mais seu- lement de ceux dont la flèche pointe en avant, et dont la direction va du centre à la périphérie. Le sens lui fait certes défaut des proportions de ces cinq auteurs, si bien choisis pour illustrer son thème, mais il faut admirer à quel degré il est arrivé à les pénétrer, et il est assez curieux pour nous de constater avec quels reliefs et quels creux le profil de cha- cun se dessine aux yeux d'un étranger lettré, compréhensif, et qui paraît de bonne foi.

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