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590 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

critique et qui, comme disait Flaubert, sape les bases). L'aveugle-né a ses sens, son monde, sa raison à lui. Il donne l'impression du différent, est enveloppé en même temps, d'une pitié attentive et d'une bienveillance sacrée. 1! apporte par sa présence aux plus obtus une leçon de relativisme. Il permet et propage une existence plus consciente, plus curieuse, plus tragique. Si c'est une femme, elle étend encore ce domaine en fragilité, en sensibilité, en délicatesse. Dans cette funille ou ce milieu, deux mondes sont en contact comme dans un pays frontière et bilingue, une Alsace ou une Suisse. On ne peut manquer d'y faire des versions et des expériences curieuses, d'v avancer dans la connaissance d'aa- trui et de soi-même.

�� ��La Symphonie Pastorale est en somme le troisième lixre d'analyse serrée, raisonnable, sans fantaisie lyrique, qu'ait écrit André Gide ; les deux premiers étaient VlniinaraUsle et la Porte Etroite. Tous trois paraissent construits sur un cer- tain modèle commun. C'est l'histoire d'un caractère lancé dans la vie, et retourné par des forces intérieures qu'il por- tait en lui et qu'il ignorait, — l'histoirs d'une guérison qui devient elle-même une maladie, ou plutôt la transposition des idées de maladie et de guérison dans un monde où ces deux termes cessent de comporter une raison et où il n'y a plus que des états cliniques : reuvre d'un esprit qui ne qua- lifie point et qui seulement expose. Le Michel de Vliuniora- liste, malade physiquement, est guéri par le dévouement de sa femme, et cette guérison prend elle-même la figure d'une maladie puisque Michel y perd la pitié, l'amour, s'attache comme à un absolu à cette vie personnelle, égoïste qu'il allait perdant et qu'il a retrouvée avec une joie de pasteur devant sa brebis perdue. Alissa s'est efforcée d'entrer par la porte étroite, elle a sacrifié sa vie à la vie éternelle et il paraît

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