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LES PINCENGRAIN 5^3

pauvreté à Madame Godichon, Tentretiennent tout !e jour, les mains croisées sur leur poitrine, comme des femmes qui peuvent ne pas faire elles-mêmes leur vête- ment. Dès que Madame Godichon est partie le soir très tard, elles cherchent au fond d'une mansarde la robe de la mariée, pliée en quatre dans un drap très blanc. Elles retendent sur leurs genoux décharnés et y travaillent toutes les quatre. Elles cousent ainsi jusqu'au jour sans défaillance. Quand la huitième nuit s'achève et qu'il va fiilloirse parer pour l'accompagnement des noces, elles ressemblent à des fantômes qui préparent un linceul. Leurs mains maigres, humides et froides, transparentes comme des nuages, leur paraissent lourdes et impossibles à soulever.

Chacune se trouvera mal à son tour sur le chemin de l'église : Madame Pincengrain, Véronique, Eliane. Le cortège trois fois s'arrêtera pour les attendre revenir de la mort. Prisca elle-même pâlira au bras de Godichon, à l'heure de l'office, — la plus solennelle.

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��Godichon, qui faisait dans le monde la figure d'un jeune homme brutal et sacrifié, devient un mari heu- reux et entreprenant. Chez les Pincengrain, sans être incommodé par la tristesse des trois femmes, il prend l'attitude qui convient à son caractère et à ses expé- riences. Devant Véronique loyalement ilaffimie qu'il n'y a pas de bien dans le monde en dehors d'elle, — devant Eliane, que le catholicisme est une erreur, si elle est une sainte. Toutes les deux rendent hommage à la

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