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usait de moins en moins, et, avec les années, il en était venu à ne plus priser véritablement que l’histoire. Or, il ne perdait jamais de vue les saccages splendides, mais gigantesques, auxquels l’écrivain de type plastique se livre sans cesse dans ce domaine de l’histoire que Mérimée eût voulu transformer en une chasse gardée. De là sa répugnance, ses dégoûts, ses injustices même ; de là aussi, qu’élevant pour une fois la voix, car il estimait que le sujet en valait la peine, il s’écrie dans une de ses lettres : « L’Histoire est à mes yeux une chose sacrée. »

Le plus curieux, — et ceci nous ramène à la suite de notre dialogue, — c’est qu’après s’être récusé auprès de son lecteur, et l’avoir poliment, mais fermement, renvoyé au buste de Charles IX du Musée d’Angoulême, Mérimée, sur son insistance, et dans l’espoir de se débarrasser de lui, finit par s’exécuter, et, en quelques lignes, il nous trace, de Charles IX et de Catherine de Médicis, des portraits qui, faits en des termes tout moraux qui n’ont même pas l’air d’avoir été choisis avec un soin particulier, restituent néanmoins sous nos yeux, et de la manière la plus frappante, le physique des personnages. Récompense accordée au regard objectif, à l’œil pur qu’il n’a cessé de diriger sur toutes choses.

Mais qu’il vienne à s’agir, non plus d’un personnage historique, mais d’une créature de son imagination, l’esprit de Mérimée se trouve alors en face de difficultés d’un autre ordre, et qui lui interdisent bien plus sévère- ment encore le portrait physique de ses propres personnages. Nous avons noté plus haut une analogie à cet