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490 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

processions, leur calme douleur résignée, qui se con- naissent et se reconnaissent sans se saluer, déplorent dans les coins le malheur des temps, notent les coups de la vengeance de Dieu ou les miracles de Sa Miséri- corde. Je ne veux parler que d'un seul de ces pèlerins des églises parisiennes, j'en veux parler, car personne ne s'aviserait de le faire.

Il est si petit, il a si peu de corps qu'on ne le remar- que pas ; il a les traits si rougeauds, si ronds, si effacés qu'il semble n'en avoir aucun. Plus de cheveux, pas de moustaches, point d'âge. A-t-il un nom ? « Il est ici tous les jours », me dit un Suisse près de qui je m'enquérais de lui parce qu'il avait parlé à un prêtre trop gaiement en l'appelant « Monsieur » en s'excusant, en bredouillant. « Oh ! c'est un monsieur très bien : il est très donnant... toujours ! tenez ! le voilà à la chapelle Saint-Joseph en train de pleurer. Il fait toutes les églises de Paris comme ça. » Je le regardai : il a la bouche mince et méchante, les 5eux sans vie... ou plutôt... oui plutôt... plutôt per- vers... ma foi ! Ses habits sont élégants mais fatigués. Son chapeau a coûté cher à quelqu'un mais pas à lui ! son pardessus est superbe mais ne lui va vraiment pas assez ! Le voilà qui s'essaie à l'onction près du Suisse : c'est un comédien ! Tiens, il sourit ! Oh ! quelle souf- france secrète, quelle naïve bonté ! c'est un philanthrope par désespoir et par habitude. Non ! Il n'est pas pareil aux dévots. Je le surnomme le « petit homme des églises », c'est le héros de cette histoire qu'on m'a contée.

A tout petits pas assez rapides, il tourne autour de la nef dans une église de faubourg : il ne prie pas, il estdur

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