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^82 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il est évidemment regrettable que l'œuvre de Marcel Proust ne soit pas plus abondante en traits de la grâce de celui que décoche ici M. Lasserre. Elle se laisserait lire cer- tainement avec beaucoup plus d'amusement.

Mais le fond en resterait toujours déplorablement aride. Car Marcel Proust n'a jamais eu la moindre imagination, la moindre sensibilité. « Sa nature ? J'ai dit, tranche M. Lasserre, qu'il n'en avait pas. » Aussi est-il obligé de se forsrer sans cesse artificiellement des sensations.

« Tout chez lui est concerté. D'impressions vives, per- sonnelles, originales, colorées, qui valussent la peine d'être écrites, il n'en a point. Il veut cependant écrire des im- pressions. Placé dès lors devant le problème de l'omelette sans œufs (encore un joli trait et dont Marcel Proust fera bien d'enrichir son répertoire), M. Proust fait de Versât'^. La qualité d'inspiration et de feu d esprit qui lui serait nécessaire nour briller dans le genre littéraire de son choix, ii en fabrique le sim.ili au moyen d'une espèce de cuisine intellectuelle. x>

Sans nous laisser éblouir par l'éclat du style, sondons un peu la profondeur de ces remarques de M. Lasserre. Elles ont ce rare mérite de devenir extrêmement justes sitôt qu'on en prend le contre-pied. C'est en eifet une évidence que chez Marcel Proust rien « n'est concerté ». M. Lasserre a tout à fait raison de dire que « d'impressions vives, personnelles, originales, colorées, et qui vaillent la peine d'être écrites, » Proust eh a trop. C'est même la difficulté contre laquelle il doit lutter sans cesse : endiguer ce flot, éviter d'être sub- mergé par lui ; tout son art se réduit peut-être à faire face, à tenir tête à sa mémoire, — une des plus copieuses qui se soient jamais vues.

Et combien M. Lasserre est avisé quand il dénonce « cette qualité d'inspiration et de feu d'esprit » qui le frappe chez Marcel Proust ! Nul auteur, en etïet, qui ait,

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