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la nouvelle revue française

Agrippa. — La royale putain ! Du grand César aussi elle a su mettre au lit le glaive ; il a labouré et elle a porté la récolte.

Enobarbus. — Je l'ai vue un Jour sauter à cloche-pied dans la rue ; au quarantième bond, perdant souffle, elle s'arrête, veut parler, palpite, et, faisant de sa gêne une grâce de plus, triomphe dans la défaillance.

Mécène. — A présent, c'en est fait. Antoine a dû lui dire adieu pour toujours.

Enobarbus. — Antoine ne lui dira jamais adieu. Les années passeront sans la flétrir. Son extrême diversité met au défi la lassitude. Toute autre femme, en se prêtant au désir qu'on avait d'elle, l'exténue ; mais elle, plus elle assouvit, plus elle excite ; il n'est rien de vil, de honteux qui ne paraisse seyant en elle, à ce point que les saints prêtres la bénissent au milieu de ses débordements.

Mécène. — Si beauté, modestie, sagesse ont prise sur le cœur d'Antoine, on peut dire qu'avec Octavie il a tiré un fameux numéro.

Agrippa. — Partons. Mon cher Enobarbus, acceptez, je vous prie, d'être mon hôte, tout le long de votre séjour ici.

Enobarbus. — Je vous en remercie humblement.


SCÈNE V
La salle du palais d'Egypte.
CLÉOPATRE, CHARMION, IRAS, MARDIAN.

Cléopatre. — Charmion.

Charmion. — Madame.