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368 • LA NOUVELLE REVUE FRAMÇAISE

cacao ; l'étalage d'un tailleur auquel moulés sur des fonds blancs obliques des pantalons rayés et des vestons cintrés frappent de stupeur les âmes sensibles à ce pro- dige qu'un vêtement suffise à soi-même ; l'étalage d'un second tailleur constitué de pièces de drap de trois ou quatre gris, du fer à la perle, de chiné beige, rouge et vert, à carreaux petits et grands, obliques ou droits et pointillés de tous acabits ; l'étalage d'un orthopédiste, mains coupées, corsets barbares, chaussures chinoises avec les affireux plâtres des diverses sortes de pieds con- trefaits, béquilles évocatrices des sorcières, et bandages hideux qui déshonorent des Vénus de Milo de plomb doré; l'étalage d'une fabrique de machines à coudre, bêtes féroces au milieu desquelles se hasardent des ouvrières dompteuses (si seulement j'avais la chance d'en voir dévorer une) ; l'étalage d'un coiffeur-parfu- meur avec ses cires blousées de soie rose, ses fers à friser, ses flacons d'essences aux noms entièrement créés, le buste du Monsieur décoré dont les cheveux, la barbe sont blancs du côté droit et noirs du côté gauche. Enfin il y a là l'entrée de l'Hôtel Meublé, entre des plantes vertes, où vient aboutir directement l'escalier au tapis gris à marges rouges, aux tringles de cuivre ; sous le titre bleu et blanc qu'une lampe à gaz éclaire, ce seuil s'ouvre avec une discrétion professionnelle sans que le visage d'aucun portier retienne le passant de le franchir. Sous le toit de verre qui garde ce lieu des intempéries, le promeneur sentimental se trouve assez retranché du monde pour se laisser aller à ses fantaisies, assez voisin de lui pour emprunter à son activité industrielle les éléments d'un enthousiasme singulier.

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