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TOUTES CHOSES ÉGALES d'aILLEURS... 355

les cheveux peints très noirs sur le crâne ovoïde, les pommettes carminées, les yeux faits au pinceau, pas de nez, le corps formé de pièces de bois apparentes arti- culées par des chevilles, les membres cylindriques. Dès qu'elle fut ma maîtresse je m'aperçus de mon erreur : rien de plus harmonieux que cette enfant potelée, rien de plus souple que ses gestes. Habitué à Hortense, je me laissai aller à penser haut devant Gertrud, à transpo- ser la vie, à me montrer au naturel. Bien vite il fallut convenir qu'elle me pénétrait, que rien ne lui échappait de ce que je lui abandonnais et qu'il n'y avait pas de jeu si compliqué qu'elle n'en sût saisir la règle et la marche. Après m'être un instant révolté d'une perspicacité qui ne venait point sur commande, je ne pus me retenir d'un mouvement d'admiration pour cette Gertie si voisine de moi que je pensais déjà l'atteindre et me con- fondre avec elle. Elle apportait à me suivre une intelli- gence, une lucidité qui me déconcertaient. Elle me devan- çait dans ces courses spirituelles, devinait la direction que j'allais prendre, me surprenait par les bonds qu'elle exécutait de système en système et m'enseignait à son tour mille divertissements nouveaux. Parfois nous nous poursuivions à travers les espaces de notre inven- tion, nous nous fuyions, nous cachions l'un à l'autre, et finalement nous rencontrions au détour d'un univers. Tout aboutissait à l'amour. Il devenait le but suprême de la vie : pas un geste, pas un rire qui n'y menât. Que je me sentais loin au-dessus de l'émotion goûtée aux premiers jours de Paris, maintenant que j'allais contempler avec Gertie de la coupole de S' Paul Church cette autre métropole que les mêmes techniques

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