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352 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à se représenter leurs propres imaginations. Grâce à ses gymnastiques préalables, ce fut au contraire un amuse- ment pour mon esprit que d'envisager le monde en donnant à n les valeurs les plus diverses ; j'étais en train de concevoir l'étendue à un tiers de dimension quand on se souvint de ma présence pour me faire comparaître devant le commissaire. Comme mes réponses subissaient un léger trouble du fait de cet exercice, ce fonctionnaire, qui avait une idée puérile de la relativité des concepts, ne comprit rien à mes discours et, dans la persuasion de parler à un fou, me fit relâcher.

Paris devint pour moi un beau jeu de constructions. J'inventai une sorte d'Agence Cook bouffonne qui cher- chait vainement à se reconnaître, un guide en main, dans ce dédale d'époques et de lieux où je me mouvais avec aisance. L'asphalte se remit à bouillir sous les pieds des promeneurs ; des maisons s'effondrèrent ; il y en eut qui grimpèrent sur leurs voisines. Les citadins portaient plusieurs costumes qu'on voyait à la fois, comme sur les planches des Histoires de l'Habillement. L'Obélisque fit pousser le Sahara Place de la Concorde, tandis que des galères voguaient sur les toits du Ministère de la Marine : c'étaient celles des écussons aux armes muni- cipales. Des machines tournèrent à Grenelle ; il y eut des Expositions où l'on distribua des médailles d'or aux millésimes différents sur l'avers et sur le revers; elles coïncidèrent avec des arrivées de Souverains et des délé- gations extraordinaires. On habita sans inquiétude dans des immeubles en flammes, dans des aquariums gigan- tesques. Une forêt surgit soudain près de l'Opéra, sous les arbres de fer de laquelle on vendait des étoffes

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