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shakespeare : antoine et cléopatre
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Antoine. — Par mon épée...

Cléopatre. — Par ma cuirasse !... Bravo ! Des progrès. Encore un effort ! Charmion, je t'en prie, admire si l'expression de la colère ne sied pas à notre Hercule romain ?

Antoine. — Je vous quitte, Madame.

Cléopatre. — Un mot, courtois seigneur... Donc nous nous séparons, vous et moi — qu'à cela ne tienne. Seigneur, nous nous sommes aimés, vous et moi — qu'à cela ne tienne : tout cela vous le savez comme moi. Autre chose je voulais dire... mais pareille à Antoine, ah ! j'ai déjà tout oublié.

Antoine. — Si votre royauté n'avait asservi le caprice, je jurerais que le caprice humain c'est vous.

Cléopatre. — Quand le caprice habite si près du cœur, il est bien fatigant à porter. Mais pardonnez-moi, mon seigneur : rien ne me convient plus de ce que vous regardez sans bienveillance. Allez donc où l'honneur vous appelle et soyez sourd à mon inconsolable folie. Allez ! et que les dieux vous escortent. Que le laurier verdisse votre épée et que les succès au-devant de vos pas se déploient.

Antoine. — Partons. Notre séparation amènera ceci d'étrange : bien que demeurant ici, tu m'accompagnes, et moi qui m'en vais, je demeure pourtant près de toi. Adieu.