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sion, le moment doit venir où l’œuvre d'art, où l’œuvre simplement, apparaît inacceptable, intolérable, à fuir. Exprimée en termes physiques la proposition gagne encore en évidence : une littérature centrifuge, comme fut la nôtre presque tout entière depuis cent ans, a nécessairement son point d’aboutissement en dehors de la littérature. Dada, dans ce qu’il a d’informe, de négatif, d’extérieur à l’art représente d’une façon achevée ce qui fut le rêve implicite de plusieurs générations d’écrivains.

Tout ce que contenait la tendance subjective, il le développe sans pitié. Avec quelle force ne montre-t-il pas que vouloir se recueillir soi-même tout entier, c’est en somme cesser d’accorder la moindre importance à aucun de ses états de conscience ! Les représentations Dadas, en dépit peut-être de leurs organisateurs, avaient un sens très clair. Elles voulaient dire : « Du moment que vous, public, comme nous, acteurs, avons décidé de nous considérer comme de purs jets d’eau, où prendrions-nous le droit de choisir entre les gouttes ? Pourquoi celle-ci nous apparaîtrait-elle délicate et brillante, cette autre trouble et vile ? Puisque nous sommes d’accord pour ne rien faire d’autre que laisser jaillir notre esprit, nous devons l’être aussi, nécessairement, pour ne remarquer aucune différence entre ses divers épanchements. C’est vous, public, vous, nos aînés, qui avez commencé. Il ne fallait pas vous rapprocher ainsi de vous-même, il ne fallait pas vouloir vous confondre avec votre âme, ni surtout vouloir confondre avec elle l’univers. Par votre faute maintenant tout est pareil. Nous vous défions de retrouver le moindre critérium, de pro-