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bien comprendre que ces jeunes gens ne se donnent pas pour des écrivains ni pour des artistes, qu’ils ne cherchent absolument rien sinon d’échapper aux valeurs, de quelque ordre qu’elles soient.

Ils tentent en commun, et avec la collaboration involontaire et ridiculement bénévole du public, une expérience aussi folle et aussi logique que celles dont les laboratoires sont chaque jour le théâtre : l’expérience de la réalité psychologique absolue. Ils se dévouent à actualiser sans choix, sans distinction, sans prédilection d’aucune sorte, toutes les parties de leur esprit. En d’autres termes ils délivrent cette omni-équivalence qui est en puissance au fond de chacun de nous et qui pratiquement n’est vaincue que par la réflexion et par la volonté. Ils refusent de voir, d’enregistrer la très petite différence qui seule sépare ce que nous croyons de ce que nous ne croyons pas, ce que nous faisons de ce que nous ne faisons pas. Ils se font un devoir de prévenir en eux toute élection et d’y maintenir, comme le dit si bien André Breton, le « ballotage » originel.

Louis Aragon a trouvé une formule charmante : « Rien, dit-il, ne peut compromettre l’intégrité de l’esprit. » C’est-à-dire le seul dommage qui pourrait au monde se produire, pour peu qu’on le veuille bien, est impossible. Il suffit de faire toujours très exactement tout ce qui vous passe par la tête : cela ne peut avoir jamais aucun danger ; le seul danger serait de ne pas le faire, car l’esprit en serait diminué d’autant. Mais une suite de mots abandonnés de la syntaxe, un cri, le geste de porter la main à sa tête ou de se moucher sur