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NOTES 929

��INTERVERSION DES SALONS.

Le grand succès de fou rire, comme disent les commu- niqués de théâtre, remporté cette année par les salons de la Nationale et des Artistes français est un symptôme notable. Le temps est loin où le public des dimanches venait se dilater la rate en famille devant les toiles des Indépendants. Quelques personnes trouvaient là un prétexte à de faciles et généreuses indignations sur la décadence du goût. Au- jourd'hui l'on n'ose plus rire aux Indépendants devant les envois de M. Léger. Mais l'on s'esclaffe sans gêne devant les Bonnat et les Rochegrosse du Grand-Palais. Régu^ lièremcnt, des sociétés philotechniques et de conférences populaires visitent en corps le Salon d'Automne et les Indépendants. Ayant eu moi-même l'occasion de servir de cicérone à un groupe de deux ou trois cents personnes, j'ai été fort surpris de l'intérêt et de la sympathie que le public porte aux efforts des peintres nouveaux, même les moins recommandables. Cette bonne volonté, dont les esbrouffeurs ne craignent jarriais d'abuser, tend à se répandre et à devenir le sentiment moyen de notre époque.

Donc, le public va chez M. Signac pour s'instruire et voir la peinture « qui se fait », chez M. Frantz-Jourdain pour s'informer des choses de la mode, à la Nationale pour rire et pour voir des portraits de gens du monde, aux Artistes Fran- çais pour rire et pour voir des portraits de généraux. La question est de savoir si cette interversion correspond à un progrès du goût et de l'esprit publics. Il est permis d'en dou- ter. Toutefois elle ne saurait manquer d'avoir une heureuse influence sur l'évolution des jeunes talents dont elle hâtera la maturité. Voici comment, selon nous : le mépris du pubHc est devenu parfaitement impraticable. C'est désormais

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