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928 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pour redevenir en quelque sorte son propre primitif. Com- prenant tout à coup les exigences du mur dont la toile est le symbole, il retrouva, au prix de mille tourments, le langage plastique dans sa limpidité originelle : son nouveau point de départ fut cette géométrie vivante dont les personnages de Raphaël sont les supports à peine déguisés. Les imperfec- tions de Cézanne, que le public appelle des maladresses, ne sont pour ainsi dire que des égratignures reçues au cours de cette dure chasse à la pureté disparue. En plus de l'œuvre énorme qu'ils suscitèrent, tant d'efforts divinatoires ont eu pour résultat de nous enseigner l'attitude que nous devons adopter vis-à-vis des Maîtres de la Renaissance dont nous sommes les fils dégénérés. Cézanne oriente notre interroga- tion et nous désigne Raphaël comme le modèle parfait réalisant à une époque et dans un monde disparus la totalisa- tion des valeurs picturales dont chacun de nous essaie encore, avec trop de timidité, de cultiver les éléments dissociés.

C'est vers la fusion de ces éléments en un tout cohérent que Raphaël et ses véritables disciples nous entraînent. Si Ton estime à leur juste prix les efforts des peintres divers qui participent au mouvement cubiste, on comprendra qu'eux seuls peuvent se dire dignes après Cézanne d'étudier les pro- blèmes soulevés par cette renaissance de l'esprit classique à laquelle le public distrait assiste sans en reconnaître le nou- veau visage. Par ailleurs, si on examine Raphaël dans son intégrité et qu'on considère son œuvre comme l'étalon parfait de la beauté plastique, on constatera que la besogne des peintres cubistes est à peine ébauchée. Ceux-ci, pour être fidèles à leur vocation, se doivent d'élargir progressivement le champ actuellement trop restreint de leur activité et de remplacer le problème initial et enfin résolu de la construction géométrique par ceux plus humains qui le doivent justifier et qui se pressent aux portes de notre sensibilité nouvelle.

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