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la nouvelle revue française

Lundis sont consacrés à des auteurs de quatrième ordre, et quand il a à parler d’un de tout premier, d’un Flaubert ou d’un Baudelaire, il rachète immédiatement les brefs éloges qu’il leur accorde en laissant entendre qu’il s’agit d’un article de complaisance, l’auteur étant de ses amis personnels. C’est uniquement comme d’amis personnels qu’il parle des Goncourt, qu’on peut goûter plus ou moins, mais qui sont en tous cas infiniment supérieurs aux objets habituels de l’admiration de Sainte-Beuve. Gérard de Nerval qui est assurément un des trois ou quatre plus grands écrivains du xixe siècle, est dédaigneusement traité de gentil Nerval, à propos d’une traduction de Goethe. Mais qu’il ait écrit des œuvres personnelles semble avoir échappé à Sainte-Beuve. Quant à Stendhal romancier, au Stendhal de La Chartreuse, notre “guide” en sourit et il voit là les funestes effets d’une espèce d’entreprise (vouée à l’insuccès) pour ériger Stendhal en romancier, à peu près comme la célébrité de certains peintres semble due à une spéculation de marchands de tableaux. Il est vrai que Balzac, du vivant même de Stendhal, avait salué son génie, mais c’était moyennant une rémunération. Encore l’auteur lui-même trouva-t-il (selon Sainte-Beuve, interprète inexact d’une lettre que ce n’est pas le lieu de commenter ici) qu’il en avait plus que pour son argent. Bref, je me chargerais, si je n’avais pas des choses moins importantes à faire, de “brosser”, comme eût dit M. Cuvillier Fleury, d’après Sainte-Beuve, un “Tableau de la Littérature Française au xixe siècle” à une certaine échelle, et où pas un grand nom ne figurerait, où seraient promus grands écrivains des gens dont tout le monde a oublié qu’ils écrivirent. Sans doute, il est