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LE NÈGRE LÉONARD ET MAITRE JEAN MULLIN 873

étroit de mon devoir, de fuir le tir et la chute sournoise des « minen » homicides.

Un journal m'offrit l'occasion moyennant une colla- boration régulière de visiter les pays occupés par les troupes alliées.

J'acceptai avec curiosité cette offre parce que j'ambition- nais déjà plusieurs mois d'existence anormale. La vie en Allemagne, par le fait de l'occupation et surtout la pré- sence des uniformes français, anglais et belges, devait me procurer un plaisir de haute fantaisie dans le genre de celui que pourrait éprouver un spectateur cultivé voyant se dérouler dans le décor de Werther les petites anec- dotes de Manon Lescaut par exemple.

Je partis vers Mayencc. Le voyage abolissait déjà mon passé. Une éponge effaçait, ainsi que des signes sur un tableau noir, les menus incidents de la nuit du bois Friquet, ma servante, mes vieilles habitudes que je retrouverais intactes, de même qu'un vêtement rangé dans une armoire, quand le retour m'obligerait à reprendre ma route au point même où je l'avais aban- donnée.

Je débarquai à Mayence par une belle journée. Des permissionnaires se pressaient aux portes de la gare. Des officiers anglais dont les pantalons courts relevés sur les souliers laissaient apercevoir les chaussettes kaki, traver- saient les rails devant un tramway jaune demandant épcrdument sa route à grands coups de timbre.

Une voiture me conduisit à l'hôtel de Hollande sur la Rheinallee où j'avais eu la précaution de retenir une chambre.

Et mon travail quotidien s'accomplit dans cette

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