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SUR UN « SYSTÈME DES BEAUX-ARTS » 86 1

pris la peine de les écrire : il ne dresse pas des tables de proscription ; il n'a nulle foi dans la controverse, croyant plutôt au pouvoir d'une idée juste, qui ne nie rien. .

Et puis, le classicisme est d'esprit différent, selon qu'il prend pour mot d'ordre la raison, ou la tradition. Les deux causes peuvent être liées, mais non jusqu'à se con- fondre. Certes, la raison n'opère pas à vide; et, quand elle procède par examen des faits et sélection d'exemples, on est tenté de lui donner le nom d'« empirisme organisa- teur » . Il faut voir pourtant quel motif l'emporte : l'atta- chement aux précédents, ou bien le souci d'en tirer des rapports universels. Des plus belles réussites du passé, je conçois qu'on veuille extraire pour l'avenir une « science de la bonne fortune », et qu'on trace, à partir de la Grèce et de Rome, une liguée de haute civili- sation s'opposant à la barbarie. Mais si le premier choix €st trop exclusif, si l'on veut porter à la fois sur tous les ordres de valeurs une sentence définitive, il arrivera qu'un jugement esthétique se ressente d'une prévention politique et sociale. Alain n'est pas d'Action Française ; nous le savons par ses Propos, Mais il n'a garde d'édi- fier une esthétique républicaine ; il n'envisage, dans l'ordre humain, que les conditions communes à toute société cultivée. Sa formation littéraire lui vient de Grèce et de France, avec peu d'appoints étrangers ; mais il n'a rien exclu d'avance. Nul dogme ne lui fait un devoir de vénérer Racine, de mépriser Rousseau, ou de condamner, chez Hugo, le meilleur avec le pire. Il ne reproche pas à Tolstoï d'être Russe, à Ibsen d'être Nor- végien ; et, chez lui « le sévère jugement qui convient

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