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SUR UN « SYSTÈME DES BEAUX-ARTS » 859

mesure qu'il avance, qu'il connaît d'abord mal, et qu'il ne comprend jamais tout à fait »... Enfin, quand le roman est tragique, la fatalité, tout intérieure, n'y a de puis- sance que par le consentement des victimes. Le roman serait donc le poème du libre arbitre, en ce sens que la passion, et le malheur même, y sont voulus, aimés, choisis. ■ — Il 's'en faut bien que tous les romans soient construits sur ce modèle ; mais les plus beaux ne sont-ils pas ceux qui s'en rapprochent le plus ?

Voilà donc au moins un art où tout est fondé « sur l'humain, et sur l'individuel humain ». Cet art sera-t-il le seul où nous retrouvons notre être intime, « les rêveries, les joies, les tristesses, les dialogues avec soi dont la politesse et la pudeur défendent de parler ? » En face du roman, qui déroule ces passions dans la durée, ne demandons-nous pas une forme de poésie qui les concentre dans l'instant ? Et voilà qui nous ramène à la question du lyrisme : Si les formules de l'épopée s'appliquent mal au roman, celles de l'Elégiaque et du Contemplatif n'expriment guère mieux, chez Alain, l'es- sence du lyrisme moderne. En renonçant aux thèmes généraux et aux mouvements de l'éloquence, ce lyrisme ne tend pas, quoi qu'on en dise, à se dissoudre dans la musique et, pour préciser davantage, la composition d'un poème peut être dite musicale sans que son charme tienne surtout à la sonorité des mots. Le trait nouveau par lequel des œuvres d'ailleurs très diverses s'opposent à presque toute poésie du passé, c'est plutôt le besoin de noter justement « ce que jamais on ne verra deux fois », la volonté de révéler, en une brève illumination, la ren- contre à jamais unique d'une conscience avec la vie.

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