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744 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

retrouvait arbuste. Dans cette écriture serrée, dans cette trame convergente, les images et ce souci d'art pur dont nous nous flat- tions marquaient la seule place de notre ignorance. Par où se voit doublement moqué notre goût, et, plus profond que ce goCit, notre intelligence exotique. Mais il faut isoler l'illusion, qui abuse ici cette intelligence.

Lé lecteur d'un poème imagine naturellement le poète tel qu'il eût été lui même, s'il avait, d'aventure, écrit précisément ce poème : il lui paraît ainsi que les difficultés, les surprises que lui propose l'œuvre étaient le but et l'intention maîtresse de l'écrivain ; où la surprise se répète, il crie au procédé.

IV. — Situation du langage..

Toute phrase aussi bien, à peine est-elle formée, vient nécessaire- ment masquer la pensée qui l'a précédée. Ce qui était en elle spon- tané paraît voulu, et l'inverse. C'est qu'elle est terme et conclusion pour qui la dit, mais point de départ au contraire, et problème à résoudre (fût-il aussitôt résolu) pour qui la reçoit. Synthèse dans un cas, analyse dans l'autre, il fait partie de sa nature, de sa situation, qu'on l'entende à l'envers.

Or l'écart d'une langue à la langue étrangère, s'il contribue à créer l'illusion, du moins lui imprime quelque grossièreté, et fait qu'elle saute aux yeux. M. de Crac, de passage à Moscou, disait : « Quel pays extraordinaire. Même les enfants y savent le russe. » L'erreur que l'on a notée, touchant au Che-King, était à peine plus dissimulée.

Cependant il est grave déjà que le glossateur chinois, à l'intérieur de sa langue, obéisse à la même illusion : il affirme que l'inventeur des chansons ne pouvait être qu'un lettré, « usant de procédés raffmés », prêtant ainsi au poète la même subtilité qui fut nécessaire à l'interprète pour découvrir, sous la chanson amoureuse, une poésie gnomique.

M. Granet écrit : « L'art des chansons chinoises est tout spontané : métaphores et comparaisons en sont pour ainsi dire absentes », et tout aussitôt ajoute : «On n'y trouve pas de ces procédés littéraires qui révèlent l'art d'un auteur... » J'entends que les poètes français, au contraire des chinois, usent de procédés : que fait-on ainsi, que

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