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NOTES 741

Au val est un caramboUer, Douce est la grâce de ses fruits ! Que sa jeunesse a de vigueur ! Quelle joie que tu n^ aies pas de femme.

(Je suis prêt à me contenter du poème : sa difficulté ne va pas sans charme, ni ce vide entre deux phrases claires, qui requiert ma complicité. 11 semble que le poète ait voulu, par une suite d'images, l'une de l'autre indépendantes...)

Il s'agit d'autre chose : le seigneur débauché de Kouei, dit la glose de Mao Tch'ang, gouvernait mal. Son peuple s'affligeait, et souhai- tait, pour moins éprouver sa tristesse, n'être pas plus chargé de sentiments ni de famille qu'un petit arbre. Tel est le sujet du poème, dont le P. Couvreur traduit justement le quatrième vers : « Arbuste, je te félicite de n'avoir pas de connaissance. » Un pareil souhait, et celui de vivre seul plus encore, supposent, dans le Chi- nois, un grand abattement.

L'on découvre, par dessous les mots apparents, le sens d'applica- tion : quel prince, et qui a lu le CaramboUer, gardera une âme perverse au point de conduire ses sujets à un tel excès de peine ? Le poète veut frapper par avance ce prince d'inquiétude : il sou- met à cette intention ses moindres mots et ceux-là surtout qui d'abord nous paraissaient images.

Les gloses chinoises imposent une portée semblable aux divers poèmes du Che-King. 11 arriva que « ces poèmes, récités dans les fiefs du Royaume, transformèrent heureusement les mœurs » {Glose des Ts'ing).

II. — D'une nouvelle glose, et de l'autorité des lieux communs»

M. Marcel Granet, qui a écrit sur le Cbe-King un ouvrage subtil et mesuré (i), observe que le corps des interprètes et grammairiens chinois, par devoir professionnel, était prêt à entendre en « morale » n'importe quelle œuvre qu'on lui eût soumise. L'on peut donc se défier de la glose : d'autant plus que le CaramboUer est proche,

(1) Marcel Granet : Fêtes et chansons anciennes de la Chine. Leronx éd. 1919.

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