638 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
sans avoir rien réglé. II pouvait essayer d'en appeler au monde, par dessus la tête des membres du Conseil. C'étaient là de misérables alternatives contre lesquelles il y avait beaucoup à dire. C'étaient aussi des moyens hasardeux, surtout pour un homme politique. Le Pré- sident avait, par sa fausse politique, lors des élections* au Congrès, affaibli sa situation personnelle dans son propre pays. II n'était nullement certain que les Améri- cains le soutiendraient dans une attitude intransigeante. 11 y aurait une campagne dont les résultats seraient obscurcis par toute sorte de considérations de personne et de parti, et nul ne pouvait dire si le droit triomphe- rait dans une lutte dont l'issue ne serait pas déterminée par ses qualités. En outre une rupture ouverte avec ses collègues ferait éclater sur sa tête l'aveugle indi- gnation des passions «anti-allemandes» dont tous les peuples alliés étaient encore animés. On n'écouterait pas ses arguments. On n'aurait pas le sang-froid nécessaire pour considérer son acte comme utile à la morale internationale et à la bonne administration de l'Europe. On crierait simplement que, pour diverses rai- sons honteuses et égoïstes, le Président voulait « laisser les Boches tranquilles ». Il était facile de prévoir l'opi- nion unanime de la presse française et anglaise. Si donc il lançait un défi public, il avait des chances d'être battu. Et s'il était battu, la paix ne serait-elle pas, en fin de compte, bien plus mauvaise que s'il restait là, à user de son autorité et à essayer de la rendre aussi bonne. que les conditions restrictives de la politique européenne le lui permettraient? Mais surtout, s'il était battu, ne per- drait-il pas la Société des Nations ? et cette Société
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