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630 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à la guerre qui dévorait tout ce à quoi nous tenions. La situation était bien plus favorable qu'on ne pouvait la désirer. La victoire était si complète que la crainte n'avait à jouer aucun rôle dans les décisions. L'ennemi, après avoir déposé les armes, avait confiance dans le caractère général de la Paix, dont les termes semblaient devoir assurer un règlement de justice et de générosité, et lais- ser place à l'espoir sincère de voir la vie reprendre son cours interrompu. Pour renforcer cette certitude, le Pré- sident venait lui-même sceller son œuvre.

Quand le président Wilson quitta Washington, il jouissait à travers le monde d'un prestige et d'une auto- rité morale encore inconnus dans l'histoire. Ses paroles courageuses et mesurées portaient, pour les peuples d'Europe, plus haut et plus loin que la voix de leurs propres politiciens. Les peuples ennemis avaient con- fiance en lui pour l'exécution du contrat qu'il avait fait avec eux. Les peuples alliés ne le reconnaissaient pas seulement comme un vainqueur, mais presque comme un prophète. En plus de cette puissance morale, il avait en mains les réalités du pouvoir. Jamais les armées américaines n'avaient été plus nombreuses, mieux en- traînées, mieux équipées. L'Europe dépendait complè- tement du ravitaillement des Etats-Unis, et, financière- ment, elle était à leur merci d'une façon encore plus absolue. Non seulement l'Europe devait déjà à l'Amé- rique plus qu'elle ne pouvait lui payer, mais seuls des secours largement dispensés pouvaient la sauver de la famine et de la banqueroute. Jamais nul philosophe n'avait brandi de telles armes contre les grands de ce monde. Quelle foule se pressait dans les capitales d'Eu-

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