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NOTES 6ll

manisme. Les Allemands pensaient la voir aboutir— et avec elle l'évo- lution humaine. De leur mal atavique, l'indétermination, ils croyaient guérir. Prenant l'organisation du Reich pour une vaste symbiose, ils se laissaient déterminer par elle, joyeusement. La Prusse avec son génie ihécanique disciplinant pour la première fois en Allemagne une s nsi- bilité chaotique, s'y assurait peu à peu l'universalité du consentement. Positive et religieuse, elle convertissait la nation au dur idéal de l'ordre teutonique, elle T-istreignait à la règle des moines conquérants. L'obéis- sance devenait extase. Le socialisme, seule puissance d'opposition, calquait ses institutions sur celles de la monarchie, dont il n'était que l'envers. Ainsi les divergences s'effaçaient : l'Empire semblait impe- rium, s'imposant aussi dans l'ordre de l'esprit. Pendant quarante ans ce tut une mobilisation générale à laquelle répondaient même les intel- lectuels, enr/igimentés par la Kaltur-politih. Leur croyance était à peu près unanime en 1914 : un coup de dé allait décider du sort de leur civilisation, de toute civilisation.

Le destin ne leur a pas dit oui. Mais eux, ont-ils dit oui au destin ? Certes le lien militaire qui les tenait, dur, semblable à du verre, s'est brisé. La flamme des enthousiasmes collectifs, qui dévore vite sa substance, a cessé de monter. La macliine prussienne qui avait canalisé et porté à leur extrême puissance les forces éruptives du germanisme, s'est détraquée. On n'a plus assisté qu'à une série d'explosions anar- chiques. Plus de commandement, plus d'autorité reconnue : débandade, confusion.

Mais cette démobilisation spontanée qui a ébranlé l'ordre militaire, politique, social, n'est pas encore la démobilisation morale. Les anciens groupes ont été disloqués par une force majeure. Leur faiblesse était d'être artificiellementforniés, de ne tenir que comme lient une compagnie de soldats. Mais ils tenaient, et leurs membres disjoints, ne se souvenant pas d'une autre communauté que celle de la servitude, regrettent l'uni- forme, le caporal qui or lonnait le rassemblement. Des rumeurs, confuses encore, annoncent le retour des techniciens auxquels on s'en était remis du soin de faire marcher la machine. Sans dirigeants pro- fessionnels la plupart se sentent perdus. Moutons tremblants d'être dispersés, ils réclament les anciens, les mauvais bergers plutôt que de supporter l'interrègne affreux — die haiserlose, die schreckliche Zeit.

A ces forces d'inertie, de réaction, qu'oppose la révolution ? Elle a été jusqu'ici pure négation, reniement— à peine destruction. L'ordre ancien s'est écroulé tout seul, sous le poids de la guerre. La révolution alle- mai.de s'est faite d'i'lle-même. Elle n'a été que la manifestation d'esprits replongés dans le primitif chaos. Ils s'y peuvent débattre avec frénésie : rien ne les aide à en sortir. C'est qu'il n'y a pas eu d'idéalisme révolu- tionnaire allemand. Le mouvement a été de réa' tion contre l'état présent, et non d'orientation vers un état futur. Ni idée qui attire en avant, ni chefs qui entraînent. Un torrent seul a emporté les digues et il se répand aveuglément. Aujourd'hui encore la question politique, la

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