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6 10 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'aussi beaux : ce qu'il conviendrait de dissimuler ce sont, non les figures de clowns, mais celles des acteurs, insipides chromos.

Ce premier spectacle-concert, dont il est permis d'espérer la suite, nous fut livré sans manifeste, — à peine un commentaire. Le venti- ateur tranche la tête du policeman : c'est la seule exécution qu'aient voulu les auteurs; cela leur vaut la sympathie. Le public, qui s'attendait aux pires vérités, quitta la salle satisfait de devoir son plaisir à six jeunes Français polis, et assez sûrs d'eux-mêmes pour ne rien sacrifier à l'effet.

De la salle, je dirai qu'elle avait été composée aussi soigneuse- ment qu'une table. Pareil à ce Polonais qui, l'autre jour, à la Régence, engageait six parties d'échecs à la fois, sans regarder, et les gagna, l'inspirateur de ce spectacle sut, sans paraître y toucher, disposer ses pions et gagner une intéressante partie qui se jouait à égale distance du lion de Belfort, de l'hôtel Meurice, de Medrano, du Palais-Royal et du restaurant Baty.

PAUL MORAND

��NOTES SUR L^ ALLEMAGNE : Walther Rathenau.

Il nous faut rapprendre l'Allemagne. Non peut-être qu'elle ait changé profondément. Pas plus que 1870, 1918 n'a été une métamorphose totale. Il y a de chaque peuple une figure que l'accident ne peut abolir. Sous le flux des événements qui ne sont qu'autant de prétextes à réactions nouvelles, l'être apparaît avec des visages divers. Mais il garde des traits permanents, et jusque dans les expressions fugitives qui tour à tour semblent le transformer, c'est sa durée qu'il affirme, c'est lui qui se révèle à lui-même.

L'Allemand se recouDaît à des signes pareils, qu'on les observe chez le feidgrau ou dans les Nibelungen, que l'on écoute un propos de sol- dat ou que l'on étudie un traité d'esthétique. Le malheur pour nos défi- nitions c'est qu'en les serrant de près nous ne trouvons plus en fin de compte à lui attribuer qu'un caractère : celui de n'en point avoir. Il ne sait pas dessiner, dit Gide. Mais, et ceci est peut-être la cause de cela, encore bien moins se laisse-t-il dessiner. Il n'a pas de ligne. Il relève de la musique qui traduit le devenir.

Dans le dernier demi-siècle on a pu se tromper sur l'évolution du ger-

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