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La sueur coule de vos manches de chemise, et la réverbération du soleil

sur la neige vous frappe au visage.

La moitié des hommes tirent sur les cordes pour maintenir le vieux

canon...

La pendaison de Danny Deever a la sombre grandeur des plus fortes pages de Vigny sur la discipline.

Cette poésie d’aventures est puissante, émouvante parce que l’exotisme y tait corps avec le sujet profond, c’est-à-dire le tourment d’un être humain partout exilé, dans le plaisir, dans le péril et dans la mort, partout misérable et conquérant.

Des poèmes réunis, à la suite des Chansons de la Chambrée, sous le titre d'Autres vers, le plus beau est le Drapeau anglais auquel les quatre vents cardinaux viennent apporter leurs hommages.

Le vent du Sud soupira : « J’ai commencé ma course aux lies Vierges

Par-dessus les milliers d’îles perdues dans un Océan paresseux,

Là où l'œuf de mer flamboie sur le corail, où les récifs à la crête blanche content Leurs légendes marines au lagoon immobile et fermé. Perdu parmi les îlots solitaires, égaré parmi les cayes des entours, Se réveillait le rire des palmiers ; je lançais mes embruns à la brise. Jamais île ne fut si petite, jamais mer ne fut si vaste Qu’un drapeau anglais ne s’y déployât sur l’embrun et les palmiers.

Et voici le vent d’est qui gronde :

Jamais le lotus ne se ferme, jamais l’oiseau sauvage ne s’éveille, sans qu’une âme parte sur le vent d’est, âme qui est morte pour l’Angleterre ; Homme, femme ou nourrisson, mère ou fiancée ou jeune fille Parce que le drapeau anglais est étayé d’ossements anglais.

La traduction de MM. Savine et Georges-Michel serre le texte de près. Elle en rend l’énergie et la couleur, mais non pas toujours le mouvement lyrique. Mais c’est demander l’impossible.

ROGER ALLARD