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NOTES 60 1

avant tout, dans l'art, le plaisir de la surprise. L'auteur des Syrtes et des Cantilènes ne comprit pas du premier coup ce qui fait les grandes beautés qui, comme dit Montesquieu, frappent d'abord moins pour frapper ensuite plus. 'De cette pointe de mauvais goût ou d'étrangeté qui peut « relever à l'occasion le beau immuable », il fit d'abord l'élément essentiel de son art. Puis après dix années d'ex- périences il fit les Stances.

Il eut le sentiment qu'à toute époque de mauvais goût, d'enflure et de préciosité il y a place pour un Malherbe. 11 sut faire la diffé- rence de cet art solide, essentiellement poétique, nettement différen- cié des arts plastiques et de la musique avec le stuc modelé des Parnassiens ou les harmonies et modulations symbolistes Au moment propice, il eut le dégoût d'une poésie d'images, fondée sur le pittoresque et la curiosité.

Pastiche, archaïsme, a-t-on dit. Rien n'est moins exact. Étudiant l'œuvre de Moréas, dans un esprit nettement favorable au symbo- lisme et dans un moment où l'école avait besoin de réconfort, M. André Beaunier {La Poésie Nouvelle, p. 167) remarque que sa langue n'est d'aucune époque, qu'elle est du français.

Toi qui prends en pitié le deuil de la nature et qui laisses tes sœurs flatter l'éclat du jour...

On imagine l'effet que pouvaient produire de tels vers, sans recherche de vocabulaire, mais où tous les mots deviennent rares, où la musique et l'image sont, pour ainsi dire, d'essence grammati- cale, sur les jeunes gens pour qui le bric-à-brac décoratif de M. Henri de Régnier constituait le plus vrai domaine de la poésie. Toute une génération en subit l'influence et beaucoup plus profondément qu'on ne pense. Guillaume Apollinaire écrivit le Bestiaire. André Salmon quitta les « pâles bras levés ainsi que les glaïeuls » de la poésie symboliste pour une muse aux appas plus fermes. Et com- bien d'autres que les Stances ont sevré d'une nourriture débilitante.

Moréas maintint la conception éternelle d'une poésie faite d'un juste enchaînement d'idées et de mots fondée sur la logique et la syntaxe. A toute époque il y a des poètes à qui de tels moyens

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