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LE PARADIS DES CONDITIONS HUMAINES 5^1

— Serons-nous bientôt arrivés là où npus nous ren- dons? »

La même inflexion pleine de patience et de bonté s'est encore une fois élevée sans qu'aucun de nous pût dire si c'était la sienne ou celle d'un autre ; mais elle a, cette fois, répondu à notre question par une autre question. Qui se la rappellera sans trouble? Qui affirmera que nous aurions été capables de l'endurer si nous étions restés seuls ? Car voici les paroles déchirantes qui ont été prononcées :

— Mon ami très cher, qui sait où nous allons?

Tel a été le premier signe où nous avons reconnu que l'éternité prenait possession de nous. Il a retenti comme l'annonce d'une nouvelle mort dans la mort. Peut-être l'éther qui nous enveloppait conserve-t-il encore l'em- preinte du désespoir qui a tordu nos bras et dressé l'an- goisse de nos visages.

Mais une voix a parlé, si avant en moi que j'ai été quel- que temps avant de reconnaître celle de Renaut :

— Qu'est-ce qu'il fallait donc faire pour .mériter que s'accomplisse le désir de nos désirs ?

Qui n'ignore pas le respect évite de nommer l'objet de sa passion et ne s'en fait pas moins bien comprendre. Ces mots désignaient le jardin auquel aspire toute créa- ture humaine. Trouvant cette plainte ajustée à sa dou- leur, chacun de nous l'a entendue et reprise. Et voici quelle réponse a été faite à cet immense bruissement :

— Mon ami très cher, il faut encore attendre.

O vie dans la mort, je ne peux pas définir d'une expres- sion plus juste ce retour de l'espérance quand toute espérance paraissait éteinte. Ni cette promesse n'a été

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