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468 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

cherché ce type », dit le Vinci en parlant d'une tête de Jésus qu'il avait dessinée. Et Michel-Ange : « 11 est téméraire, il est absurde, ce- lui qui prétend obtenir de ses sens un type de beauté qui émeut et emporte jusqu'au ciel toute saine intelligence. » Voici des paroles qui nous éclairent admirablement sur les procédés de travail de ces maîtres. Cherchant à exprimer le divin ou, si on préfère, l'universel, ils construisent de toutes pièces leur idéal. Ils généralisent d'abord, ils entrent dans l'éternel pour ainsi dire de plain-pied. Les grands Italiens de la Renaissance sont des idéalistes et des idéologues. Un tableau pour eux est avant tout une spéculation de l'esprit ; il est un temple où Dieu seul règne et où l'homme trouve, en dernier lieu, asile.

Les peintres cubistes purs représentés ici : Braque, Juan Gris, Maria Blanchard, Metzinger, Marcoussis, Severini, Hayden, et les sculpteurs Lipchitz et Laurens conçoivent, eux aussi, leur œuvre comme un monde où rien de « quotidien » ne peut être admis. M. Metzinger aime à parler de « l'effusion pure ». Ce terme caractérise parfaitement l'effort de l'artiste pour qui l'œuvre n'est tout d'abord qu'un « milieu » où n'entrent que les éléments de l'esprit. L'inspi- ration n'est pas ici d'ordre sentimental, mais uniquement plastique ; elle suscite une combinaison de formes différemment colorées dont les dimensions, la place et le ton sont obtenus par l'exercice d'un procédé rigoureux. Le tableau est terminé dès que les surfaces tout abstraites qui le divisent sont organisées ; le reste du travail ne consiste plus qu'à choisir dans un répertoire réduit de formes acquises, celles dont l'absolu géométrique coïncide avec chacun des compar- timents du tableau. L'assiette justifie le cercle, et la boîte le rec- tangle. On le voit « ce n'est pas sur la terre » que les cubistes purs cherchent leurs types. L'universel est leur domaine familier; l'utili- sation du particulier n'est pour eux qu'une concession, jamais un motif. Ayant à représenter les objets qui constituent une nature morte, ils peignent le verre, le compotier, le raisin, la pomme « en général ». Ils conçoivent l'objet débarrassé de toute contingence, le recréent vierge de toute aventure terrestre. Ils dressent l'inventaire des qualités de chaque chose et en font sur la surface de la toile une minutieuse et subtile énumération. Ils procèdent par la connais- sance comme les peintres académiques (je donne à ce mot son sens

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