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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 437

qu'ils ont fait pour les deux siècles précédents. Le malheur est que cette correspondance nous a été livrée mutilée de deux de ses trois parties essentielles ; la plus grande partie des lettres à Bouilhet, qui ont été détruites par l'exécuteur testamentaire du poète, et la plus grande partie des lettres à Du Camp, que celui-ci s'est refusé à laisser publier, sauf celles qu'il a données dans ses Souvenirs litté- raires (je crois que c'est précisément cette année 1920 que les papiers de Du Camp doivent être communiqués au public, à moins qu'on ne les goncourtise. Les lettres de Flaubert s'y trouvent-elles f A M. Léon Deffoux de nous renseigner.) Complète, ce serait une des belles correspondances de notre littérature. M. Souday l'appelle « la plus belle, à mon gré, depuis celle de Voltaire ». Je la trouve tout de même inférieure à celle de Chateaubriand. Faguet, avec sa drôle de classification des romantiques en écrivains qui ont des idées et en écrivains qui n'en ont pas, range Flaubert dans les derniers. Il en donne pour exemple une lettre où Flaubert découvre dans le Cours de philosophie positive de Comte, « des Californies de grotesque ». Quel que soit le génie de Comte, il est naturel qu'un artiste comme Flaubert doive trouver au moins dans sa forme, dans ses irrévocablement, ses spontanément et ses dignement un grotesque infini.

Je suis obligé d'arrêter ici une lettre trop longue. J'aurais voulu relever plus soigneusement tout ce que vous dites de perspicace, par exemple sur l'impression du Temps que donne Flaubert, et surtout vous suivre dans les indications discrètes que vous apportez à la critique sur la manière dont vous vous reliez vous-même à lui et à Gérard de Nerval. Mais j'aurai l'occasion de revenir là-dessus. En attendant, permettez-moi de me ranger, dans une seconde lettre, aux côtés de M. Daniel Halévy et de discuter votre appréciation, non sur Sainte-Beuve, mais sur la question de savoir dans quelle mesure « la fonction propre du critique, ce qui lui vaut vraiment son nom de critique, c'est de mettre à leur rang les auteurs contem- porains». Ce sera pour le prochain mois.

ALBERT TH1BA.UDET

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