Page:NRF 14.djvu/425

Cette page n’a pas encore été corrigée

SI LE GRAIN NE MEURT 419

— Permettez que je vous serven moi-même. Et d'un œil résigné, la pauvre vieille voyait écarter de son assiette le morceau qu'elle préférait.

De chez Fabregas, arrivaient également des entremets, méritoires mais peu variés. A dire vrai, on en revenait toujours à la sultane, dont aucun de nous n'était fou. La sultane avait forme de pyramide, que parfois sur- montait pour le faste, un petit ange en je ne sais quoi de blanc qui n'était pas comestible. La pyramide était composée de minuscules choux à la crème enduits d'un caramel résistant qui les soudait l'un à l'autre et faisait que la cuiller les crevait plutôt que de les séparer. Un nuage de fils de caramel revêtait l'ensemble, l'écartait poétiquement de la goui'mandise et poissait tout.

Grand'mère tenait à faire sentir que, faute de mieux seulement, elle nous offrait une sultane. Elle faisait la grimace ; eHe disait : « Eh ! Fabregas ! Fabregas ! Il n'est pas varié... » Ou encore : « 11 se néglige... »

Que ces repas duraient longtemps, pour moi si impa- tient de sortir! J'aimais passionnément la campagne aux environs d'Uzès, la vallée de la Fontaine d'Eure] et par dessus tout la garrigue.

Les premières années, Marie, ma bonne, accompa- gnait mes promenades. Je l'entraînais vers le « mont Sarbonnet », un petit mamelon calcaire, au sortir de la ville, où il était si amusant de trouver, sur les grandes euphorbes au suc blanc, de ces chenilles de sphinx qui ont l'air d'un turban défait et qui portent une espèce de corne sur le derrière ; ou, à l'ombre des pins, sur les fenouils, ces autres chenilles, celles du Machaou ou du Flambé, qui, dès qu'on les asticotait, faisaient surgir, au-

�� �