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SI LE GRAIN NE MEURT 4I I

dressa tout aussitôt. Il se trouva qu'il connaissait mon cousin le pasteur ; même il se souvenait fort bien de mon grand-père. La manière dont il m'en parla me fit com- prendre quelle abnégation, quelle bonté pouvait recou- vrir la plus rude enveloppe, aussi bien chez mon grand- père que chez ce paysan lui-même, à qui j'imaginais que mon grand-père avait dû ressembler, d'aspect extrême- ment robuste, à la voix sans douceur, mais vibrante, au regard sans caresse, mais droit. Cependant, les enfants rentraient du travail, une grande fille et trois fils ; plus fins, plus délicats que l'aïeul ; beaux, mais déjà graves et même un peu froncés. La mère posa la soupe fumante sur la table ; comme je parlais à ce moment, d'un petit geste elle arrêta ma phrase, et le vieux dit le Bénédicité. Ce fut pendant le repas qu'il me parla de mon grand- père ; son langage était à la fois imagé et précis ; je regrette de n'avoir pas noté de ses phrases. Quoi ! ce n'est là, me redisais-je, qu'une famille de paysans ! Quelle élégance, quelle vivacité, quelle noblesse auprès de nos épais cultivateurs de Normandie! Le souper fini, je fis mine de repartir, mais mes hôtes ne l'entendaient pas ainsi. Déjà la mère s'était levée ; l'aîné des fils cou- cherait avec un de ses frères ; j'occuperais sa chambre et son lit auquel elle mit des draps propres, rudes et qui sentaient délicieusement la lavande. La famille n'a- vait pas l'habitude de veiller tard, ayant celle de se lever tôt ; au demeurant, je pourrais rester à lire encore s'il me plaisait. « Mais, dit le vieux, vous permettrez que nous ne dérangions pas nos habitudes — qui ne vous étonne- ront pas, puisque vous êtes le petit-fils de Monsieur Tancrède. »

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