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388 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ses expériences. Il répugnait également à morceler son ouvrage, à s'aider d'une collaboration nominale, à re- courir aux artifices d'une publicité déshonnête ou à por- ter sa découverte à l'étranger.

Un soir que Léonard sortait, assez mortifié, d'un en- tretien au cours duquel le Professeur Mathieu Golugo, de l'Institut, s'était retranché derrière une totale incom- pétence, mon pauvre ami heurta, sur le trottoir, un passant humble et falot. Celui-ci s'excusa, considéra Léonard avec attention, et, finalement, se jeta dans ses bras. C'était un camarade de collège, oublié depuis bien des lustres, après une jeunesse embellie d'une affection mutuelle.

Benoît, tel est le nom de cet homme, reconduisit Léonard jusqu'à son logis et, chemin faisant, lui dit avec une affectueuse sollicitude :

— Tu parais soucieux et las. Aurais-tu quelque sujet d'être inquiet, mécontent ?

Léonard avait le cœur pesant; il ne balança" point à épancher sa tristesse dans le sein de cet ami que le ha- sard lui restituait avec opportunité. Il dit donc à Benoît son travail obstiné, son succès, ses espoirs, ses démar- ches et la démoralisante indifférence des hommes qu'il avait consultés.

Benoît marquait de l'émotion. Il s'arrêta soudain, sai- sit les mains de Léonard, les étreignit d'abord en silence, puis dit avec simplicité :

— Je suis un profane et méconnais mal aux questions qui te tourmentent. Mais il m'apparaît que tu as décou- vert des choses capables de rendre de grands services aux hommes. Je voudrais te seconder, t'être utile ; dis-

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