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MŒURS SCIENTIFiaUES EN AUSPASIE 387

ami dans son alcôve, car il était tourmenté par la podagre.

— Consolez-vous, dit-il après que Léonard lui eut fait le récit de ses déconvenues, consolez-vous, car nos ar- rières-neveux vous élèveront quand même la statue dont vous êtes digne. En attendant cette gloire, méritez-la par le martyre. Il n'est pas dans les traditions auspa- siennes d'honorer le génie, mais seulement de le réha- biliter, et, pour ce faire, il convient tout d'abord de l'abreuver de honte et d'amertume. Je suis trop vieux pour marcher à vos côtés dans la lutte que vous allez soutenir contre les hommes, maintenant que vous avez triomphé des forces naturelles. Je suis trop vieux et j'ai, des hommes, une expérience qu'il m'est impossible de vous communiquer, car l'expérience est le seul bien qu'on ne puisse partager à autrui ; s'il en était autrement, l'humanité aurait, depuis bien des siècles, retrouvé les clefs du paradis. L'amitié d un moribond peut-elle vous être de quelque douceur? En ce cas, je vous réitère l'assurance de la mienne et j'y joins une estime qui est ardente, Léonard, mais qui, malheureu- sement, ne sera guère durable, si j'en crois les avis de mon gros orteil et le visage de mes héritiers.

��Je vous l'ai dit, ces diverses démarches occupèrent Léonard une bonne partie du mois de Mars. Entre temps, Léonard retournait à son laboratoire, rallumait ses fourneaux et répétait à satiété les plus probantes de

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