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NOTES 295

pas au goût vulgaire ; il est ou n'est pas accessible aux foules ; il peut l'être au théâtre à condition de choisir un terrain où une véritable communion avec elles demeure possible ; on n'y parviendra pas par la démocratisation du langage, mais par l'humanité, la vérité, la foi — une vérité, une foi humaines, à défaut de la foi et de la vérité de Dieu. Jusqu'à quel point la tragédie peut n'être pas religieuse, c'est là une autre question. Le résultat de cette erreur, c'est que le spectacle a beau jeu ; tout sera pour les yeux, rien pour l'esprit et les oreilles, sinon, pour celles-ci, une musique étrange empruntée à Bach et à d'autres maîtres qui souligne certaines phrases au risque de les étouffer. Devant l'énorme palais Mycénien aux escaliers nombreux, défilera toute une armée d'athlètes, de danseuses, de figurants, tâchant de nous représenter le peuple de Thèbes, qui deviendra le personnage principal. Trop occupés par ces évolu- tions, nous perdrons de vue tout le reste. Les exercices de sa troupe font honneur à M. Gémier, encore qu'il ait trop usé à mon gré de la formation en tirailleurs aux dépens des effets de masse, que les costumes soient souvent un peu fades, les chairs trop blanches et les gestes trop mous. Je n'aime pas non plus ces coups de lumière mélodramatiques qui aux plus beaux moments plongent la foule dans une pénombre violette tranchant sur un escalier d'or.. Mais, pour dire toute ma pensée, la pièce est de trop là-dedans. Le spectacle lui fait tort et elle fait tort au spectacle. Spectacles olympiques ? Soit. M. Gémier a la maîtrise nécessaire pour nous évoquer quand il le voudra les grands jeux de la Grèce antique, et pour nous présenter " en beauté " nos athlètes. Mais, de grâce, pas de confusion. Le drame est drame, le spectacle spectacle ; leur terrain traditionnel de rencontre est l'Opéra où les alliera la musique. Sans la musique ils ne sauraient vivre d'accord. Je ne suis pas bien exigeant : je réclame du drame parlé, en premier lieu, des mots, et des mots que l'on puisse entendre ; en second lieu, une action, mais une action s'exprimant d'abord par les mots, puis

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