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L ISOLEMENT 259

yeux fixés sur moi. J'étais gêné et Montert le sentit. Il me dit :

" Mogounga voudrait savoir votre nom... "

Et moi, dévisageant l'homme : " Mahé... Michel Mahé... " Et Mogounga reprit, le regard à Montert :

" Mahé... Michel Mahé... " Et l'homme de chez moi, de ma patrie, l'approuva d'un lent mouvement de sa tête. Mais ils se prirent à converser tous les deux ; puis Mon- tert m'expliqua que Mogounga lui demandait d'où je venais, où était mon pays, si mon père et ma mère vivaient encore. Alors je lui contai tout cela dans ma langue et il écoutait en le dévisageant Montert qui lui traduisait à mesure mes paroles. Je parlais et durant arri- vèrent dix hommes M'Fan ; je les reconnus M'Fan à leurs crânes épilés; mais je les avais entendu venir d'un peu loin, sans pourtant les voir à cause du manguier qui me cachait la piste ; il m'arrivait seulement aux oreilles les petits clapotements que faisaient les plantes de leurs pieds à peser sur le sol amolli d'eau.

Eux aussi, semblables à Mogounga, le chef du village de ce nom, avaient une peau noire et rayée, grise par places, qui faisait que leurs corps paraissaient engaînés de fibres de bois. Ils allèrent déposer sous le chimbeck des pièces de caoutchouc brut, plates, rondes et grises ; chacun en portait une dizaine enfilée par une racine ; puis ils s'assirent les fesses au sol, les genoux à hauteur du menton et leurs épaules amaigries par des ombres qui creusaient la peau, saillaient, repoussées par les bras en soutien du corps. Ils faisaient un groupe derrière Mogounga et ils écoutaient Montert. Enfin je me suis tu, Montert avec moi, et les M'Fan se rappelèrent à lui : tous s'écrie-

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