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20 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

s'exercer dans ce sens, et il est souvent difficile de dire si telle ou telle épigramme, tel ou tel trait, est de Miss Savage ou de lui. Ce mot de Butler : " Un honnête Dieu est le plus noble ouvrage de l'homme " pourrait être de Miss Savage ; et Butler aurait pu écrire cette phrase d'une lettre où Miss Savage lui parle d'une dame qui " depuis qu'elle a " trouvé Christ " est devenue absolu- ment insupportable ". D'autre part, Miss Savage était nourrie de littérature française. Sa tournure d'esprit rappelle celle de nos grandes dames libertines du xviif siècle, et nous voyons par ses lettres qu'elle avait lu les écrivains français contemporains : Balzac, Taine, Flaubert, Renan. Elle en parlait à Butler, et essaya de les lui faire lire. A vrai dire, passée la trentaine, il ne lut presque rien en dehors des ouvrages qui traitaient les sujets auxquels il s'intéressait : critique historique du Christianisme et Transformisme, et le seul écrivain fran- çais qu'il connut bien fut BuiFon, pour lequel il avait une grande admiration. Néanmoins il est certain que Miss Savage lui fournit tout ce qu'il était capable d'apprécier et d'assimiler dans les lettres françaises : peu de chose, mais enfin quelque chose. Où l'influence de Miss Savage éclate surtout, c'est dans le fait qu'elle orienta Butler vers le roman, et qu'elle finit par obtenir qu'il en écrivît un. Il convient peut-être de dire que l'amitié de Miss Savage et de Butler fut purement intellectuelle, du moins en ce qui concerne l'écrivain. La vie " sentimentale " de Butler était ailleurs. Il suffit de citer sa longue et très discrète liaison (i 872-1 892) avec la personne qu'il appelait Madame. C'était une Française de bonne famille que les circonstances avaient amenée à habiter Londres, où elle

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