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L ISOLEMENT 253

sur la tête un couffin rempli de maïs à plein bord ; sa charge le faisait marcher à une vive allure, le poids du couffin pesait sur le buste et le tricotement des deux mollets faisait se lever et s'abaisser les cuisses.

C'était peu de temps avant que ne commençât une saison de grandes pluies. Tous les couffins de maïs avaient été engrangés dans la case grenier du village, puis le chef avait réparti entre chacun les couffins apportés, et quinze jours s'étaient écoulés depuis que les piroguiers avaient commencé à remonter le courant vers Nola sur leurs pirogues allégées. Alors, la première tornade de la saison passait sur Mogounga, sur Bakoundé, sur Douago ou sur Batouri. Il y avait d'abord un bref et violent coup de vent, dans lequel la forêt demeurait inerte, massive, quelques instants de silence en plomb, puis toutes les feuilles résonnaient du crépitement des gouttes. Dans une journée passaient sur les cases et sur ma factorerie quatre, cinq de ces tornades. Mais de l'une à l'autre le jardin potager que nous nous transmettions entre agents du lieu grillait au soleil. S'y promener était avoir la sen- sation des mains et de la face engluées de miel.

Le jardin potager 1 Nous nommions ainsi dans les factoreries le défrichement devant le chimbeck. Il y venait des pommes de terre et du cresson et son large sentier conduisait à la rivière ; les femmes l'utilisaient ; souvent j'en voyais passer allant à l'eau, une énorme cale- basse sur l'épaule. Elles s'apostrophaient en traînant sur les mots qui riaient dans leurs bouches.

Mais si durant le jour la pluie était i ntermittente,elle tombait la nuit entière. Durant mon repos du soir, sous mon chimbeck et dans le faux jour du crépuscule, j'avais

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